TIMOTHY DALTON EST JAMES BOND

Et si…

Et si Timothy Dalton était le meilleur James Bond jamais vu sur un écran de cinéma?.. Et si, malgré seulement deux films, l’acteur gallois représentait le 007 parfait, ce subtil mélange de virilité, de classe, de fragilité et de froideur? Retour sur la période Dalton et ses aventures cinématographiques (Tuer n’est pas jouer en 1987 et Permis de tuer en 1989), malheureusement trop souvent oubliées et qui sont pourtant parmi les plus importantes de la saga de Ian Fleming sur grand écran.

3 décembre 1985 : Roger Moore, après sept films au compteur, décide de ranger le costume de James Bond d’un commun accord avec le producteur légendaire de la saga, Albert R. Broccoli. Extrêmement populaire auprès du public, l’ancien interprète du Saint pour le petit écran reconnaît pourtant qu’il n’est plus en âge de cavaler dans tous les sens pour éviter les balles et que la franchise 007 a besoin d’un petit coup de jeune.

De même, s’ils n’ont rien d’honteux (les recettes mondiales restent correctes), les résultats au box-office de Dangereusement vôtre font état d’un coup de mou certain et d’un besoin de rapidement se renouveler pour faire face aux blockbusters qui cartonnent à la même période (Retour vers le futur de Robert Zemeckis, Rambo II – la mission de George P. Cosmatos ou bien encore Out of Africa de Sydney Pollack).

1985 : il est temps de trouver un successeur à Roger Moore. Au gré des auditions, plusieurs noms retiennent l’attention des producteurs et notamment un certain Sam Neill, futur archéologue dans le Jurassic Park de Steven Spielberg. Broccoli n’est pas convaincu et son choix se porte sur sémillant Pierce Brosnan, vedette de la série récemment annulée Remington Steele. Un problème avec le contrat le liant à NBC l’en empêchera malheureusement… (voir la partie consacrée à Pierce Brosnan pour plus de détails).

Et Timothy Dalton? Choix de la dernière chance? Pas vraiment, en fait. Dans les années 60 et à la fin des années 70, l’acteur gallois avait déjà été contacté pour endosser la panoplie de 007 mais il avait décliné les offres, se sentant trop jeune (par rapport à Sean Connery) et, plus tard, pas très fan de l’orientation prise par la saga (au moment où Moore officiait devant la caméra). Un peu réticent à revenir une nouvelle fois vers cet acteur qui a quand même refusé le rôle dont tout le monde rêve, Albert R. Broccoli se laisse convaincre par son épouse de lui proposer de nouveau le contrat. Il accepte enfin et devient donc le 4ème acteur à incarner le célèbre héros de Ian Fleming : le tournage de Tuer n’est pas jouer peut donc commencer et faire entrer 007 dans une nouvelle ère.

Nouvelle ère? Oui, l’expression n’est pas galvaudée tant cette première mission de Timothy Dalton tranche avec les précédents opus incarnés par Roger Moore. Plus dur, plus froid, plus sombre et aussi plus réaliste, la période Dalton revient aux fondamentaux en s’éloignant du côté « aventures familiales » que la franchise avait prise depuis maintenant pas mal d’années.

Ici, avec Tuer n’est pas jouer, James Bond redevient… un espion, tout simplement. Plus de bases secrètes gigantesques et de méchants visant à détruire le monde grâce à des plans tarabiscotés et des inventions farfelues : la Guerre Froide est de nouveau un élément narratif majeur du film et le script fait preuve d’une densité qui semblait avor disparu depuis trop longtemps.

Pour faire un petit aparté, je dois avouer que Tuer n’est pas jouer est une des aventures de James Bond qui me plaisait le moins quand j’étais plus jeune. Je n’y retrouvais pas la légéreté et l’aspect délirant qui m’avaient séduit dans Moonraker ou Rien que pour vos yeux et Timothy Dalton m’intimidait : au fil des multiples visionnages et à mesure que je grandissais, je me suis finalement rendu à l’évidence et incliné devant sa prestation absolument époustouflante. Timothy Dalton EST James Bond. En tout cas, mon James Bond.

Intensité du jeu, charisme de dingue et crédibilité totale dans l’action, Timothy Dalton campe dans Tuer n’est pas jouer un 007 parfait. Un James Bond qui n’hésite pas à être brutal quand les événements le nécéssitent mais qui sait aussi faire preuve d’une humanité qu’on ne lui connaissait pas (plus?)… La relation qui se tisse entre l’agent et la violoncelliste Kara se révèle ainsi extrêmement touchante et éloignée des standards « bondiens » habituels où la James Bond Girl est malheureusement trop souvent réduite au rôle de potiche. Belle certes mais potiche quand même. Dans Tuer n’est pas jouer, Maryam d’Abo campe au contraire un personnage plus complexe qu’il n’y paraît, parfois naïf mais jamais en reste lorsqu’il s’agit de plonger dans le feu de l’action (le final en Afghanistan). 

De bons acteurs sauvent parfois un film d’une écriture médiocre : Tuer n’est pas jouer n’a pas besoin de ça tant son scénario est parmi l’un des meilleurs et les plus complexes de la saga de Ian Fleming. Ecrit par l’inusable Richard Maibaum et Michael G. Wilson, le film fait revenir James Bond vers les terres de l’espionnage plus « classique » (la séquence d’infiltration qui sert de prologue, les méchants Russes) tout en n’hésitant pas à jouer sur les codes du thriller lorsque 007 se rend à Vienne ou les codes du film d’aventures lors du final explosif situé en Afghanistan et où des moudjahidines prennent d’assaut une piste d’aviation d’une manière plus qu’explosive. 

Permis de tuer est arrivé trop tôt. Beaucoup trop tôt même.

Si l’on en croit les résultats au box-office, où le film de John Glen ne fait pas de miracle face à la concurrence (L’Arme Fatale 2 de Richard Donner, Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg, Batman de Tim Burton) et le relatif désamour que les fans de la saga portent à ce dernier opus de Timothy Dalton, il n’est pas exagéré de dire que le changement opéré via Permis de tuer était sans conteste trop brutal.

Brutal, le mot est lâché.

Avec son James Bond qui voit son permis de tuer lui être retiré alors qu’il se lance dans une chasse à l’homme sanglante afin de venger les tortures subies par son meilleur ami et le meurtre de sa femme, ce volet tranche radicalement avec les histoires d’espionnage qui étaient la marque de fabrique de la série pour aller sur le terrain du thriller et du pur film d’action. Pas si étrange que cela si l’on prend en compte la volonté de Timothy Dalton d’amener son personnage sur des rivages plus à même de mettre en avant son jeu profond et d’en faire un héros plus sombre, torturé. En clair, un être plus trouble et plus violent qu’à l’accoutumée et qui s’accorde aussi parfaitement avec les héros qui remplissent alors les salles de cinéma du monde entier (Mel Gibson en flic suicidaire dans L’Arme Fatale notamment), plus rentre-dedans, plus badass : on est dans l’ère du blockbuster explosif et il n’est pas question que James Bond rate le coche!

Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’un film de la saga s’aventure hors des sentiers battus et tente de redéfinir le personnage : Au service secret de Sa Majesté, en 1969, avait brillamment mis en avant un James Bond plus complexe mais l’essai n’avait pas été transformé suite au refus de George Lazenby de poursuivre l’aventure et au succès assez mitigé de cet opus pourtant majeur dans la mythologie bondienne. Le risque est donc grand avec Permis de tuer et malheureusement, il ne paie pas. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous et la saga peinera à se remettre en selle : il faudra attendre six ans et l’arrivée de Pierce Brosnan pour que 007 retrouve les hauteurs du box-office international. 

Une situation franchement regrettable tant Timothy Dalton fait preuve d’une présence et d’un charisme de folie dans ce Permis de tuer d’une sécheresse et d’une radicalité salvatrices. L’acteur était clairement en pleine possession du personnage, à la fois dangereux et séducteur et aurait sûrement amené le Commander Bond vers des sommets que l’on ne peut que fantasmer. La réinvention du héros culte de Fleming dans les années 2000 sous les traits de l’excellent Daniel Craig (Casino RoyaleSkyfall) lui doit tout et il paraît juste de lui attribuer une part de cette réussite.

Chaque spectateur, pour diverses raisons, a SON James Bond. Vous l’aurez aisément compris, Timothy Dalton est le mien. Fiévreux, charmeur, brutal, à la fois sans pitié et romantique, le quatrième interprète du héros créé par Ian Fleming est celui qui, malgré l’oubli dont il est victime de la part d’une partie du public, aura le plus intensément marqué les écrans par son aura et sa présence, diablement excitantes.

Si vous êtes passés à côté de ces deux oeuvres essentielles que sont Tuer n’est pas jouer et Permis de tuer, vous savez quelle est votre mission…

Crédits photos : MGM, Eon Productions, Danjaq, United Artists.

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